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Grand-père de lAleau
Notre autre arrière-grand-père maternel, Louis II
Bonvalet habitait lAleau. A la Bournée. C'était
« grand-père de lAleau ». Nous
le connaissions moins. Il habitait une charmante maison au creux
d'une cour, posée comme une bague dans son écrin,
entourée d'ouvertures béantes de caves profondes
devant lesquelles pendaient d'immenses guirlandes de lierre. C'était
beau et mystérieux, à la fois attirant et un peu
effrayant
J'ai le souvenir très lointain de quelques déjeuners
chez lui, lorsqu'il avait tué un chevreuil ou un beau lièvre
Il vivait seul, dans deux pièces de sa maison, les deux
autres étant occupés par le fermier Monsieur Ferchaud.
Veuf, après deux mariages, dont le père de maman
était le seul descendant, il ne sortait pas, venait rarement
à Louresse, chassait beaucoup, avait un don de guérisseur :
il arrêtait les hémorragies. Il était bon
et doux avec nous mais parlait peu. Il est vrai qu'il avait 77
ans à ma naissance. Nous ne l'avons connu que très
vieux.
Les déjeuners se prolongeant, nous avions l'autorisation
d'aller « faire un tour ». Mais attention
deux interdictions : interdit d'approcher de « l'Enfer »,
interdit de déranger les chauves-souris ! Celles-ci
sur lesquelles grand-père veillait jalousement, avaient
élu domicile derrière les volets de sa cuisine.
Quand tout le monde était à table, bien occupé,
comment résister à la tentation d'écarter
doucement les volets pour regarder, oh horreur, ces monstres noirs,
pendus par les griffes, la tête en bas, les petits yeux
perçants
Nous étions fascinés, tout
en redoutant terriblement qu'elle ne prennent leur envol et que,
selon la légende, elles ne viennent s'agripper à
nos cheveux ! On repoussait prudemment les volets
Allons plutôt à « l'Enfer ».
C'était une des vastes caves béantes mais qui avait
la particularité d'être remplie d'eau : une
sorte de grande mare sous roche. « Surtout ne vous
approchez pas de l'eau ! C'est très profond. Si vous
glissez, personne ne pourra aller vous chercher ».
A bon entendeur, salut. Mais les canards, eux, s'enfonçaient
sur l'eau, dans le noir, et revenaient quelques moments après,
en frétillant de la queue, tout joyeux
Cet enfer
ne leur semblait pas si terrible ! Que n'aurions-nous pas
donné pour en enfourcher un et aller explorer cette eau
souterraine !!
Plus sage était de grimper au-dessus de ces caves et d'aller
explorer « le clos », ce grand potager-fruitier,
entouré de murs, où murissaient à merveille
« poires de dame » et « poires
de curé », « prunes de sucre »
et mirabelles, « curs de pigeon »
et même « cornilles » âcres.
Nous nous gorgions de ces fruits, bien meilleurs que tous les
civets et gâteaux.
D'ailleurs, selon les saisons, maman nous envoyait en vélo
avec un panier sur les porte-bagages, pour aller chercher « chez
grand-père de lAleau » poires, pommes,
prunes, cerises, cornilles
et c'était un joli jeudi,
mais
grand-père, ce vieux monsieur dont maman était
la petite-fille unique et très aimée, n'était
plus là.