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Papa ! Patron de culture
« Mon père, ce héros au sourire si doux,
« Suivi d'un seul housard quil aimait entre tous »
etc
Assurément mon père était le héros
de la maison, impressionnant par sa taille et son autorité
naturelle absolument incontestée. Jamais papa n'a porté
la main sur nous. Un mot, un regard suffisait. Nous filions doux,
les commis filaient doux, seule ma petite maman se permettait
la contestation quand elle ne partageait pas l'avis de son grand
mari, mais... calmement, sans éclat de voix. Et « son
seigneur et maître » en tenait compte !
C'était un patron, un vrai, qui donnait des ordres brefs
et clairs, le matin au petit déjeuner. Chacun savait ce
qu'il avait à faire, d'une façon précise,
qui aux pépinières, qui à la vigne ou dans
les betteraves, qui sur la route avec les chevaux. Ne voulant
pas « mettre tous les ufs dans le même
panier », il faisait de la polyculture : blé,
vin, pépinières, plus les cultures utiles aux chevaux :
avoine ( il en fallait beaucoup ! ) betteraves, foin...
Cette culture occupait au long de l'année deux commis.
Mais au moment des grands travaux : foins, moissons, vendanges,
arrachage des pépinières, tout le monde s'y mettait,
y compris papa lui-même, plus des journaliers. Tout, évidemment,
se faisait avec des chevaux (les tracteurs ne viendront qu'après
la guerre) et il y en avait deux qui restaient hors du circuit
commercial, dans leur écurie propre : Sapeur, le
fort cheval rouge, et Pelote la blanche, plus douce pour des travaux
plus délicats. Mais souvent, pour les labours par exemple,
ils étaient attelés ensemble.