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les veillées.
L'hiver, le travail aux champs était tôt terminé.
À 4 heures (solaires) les gars étaient rentrés,
s'occupaient des chevaux : à manger, à boire
au « timbre » dehors, et litière
fraîche pour la nuit... À 6 h, ils arrivaient à
la cuisine. La soupe était déjà prête,
fumant sur la table. On prend son temps, pas pressés :
c'est l'hiver, peu à faire. On se chauffe un peu. On jette
un il sur les titres du « Petit Courrier »,
on discute, on mastique lentement. Cest l'hiver. On est
bien, tous dans la cuisine, avec de grosses bûches dans
la cheminée.
Repas terminé, table débarrassée, vaisselle
faite, cest la veillée ! Que va-t-on faire
pendant deux heures ? D'abord casser des noix pour le fabricant
d'huile qui nous rapportera dans quelque temps des petits « cruchons »,
pleins de l'huile dorée, très fruitée...
On en casse de pleins sacs, sur la grande table, chacun ayant
son marteau et sa planchette. Les plaisanteries fusent...
Ou bien on « trie les pois » : un gros
tas est versé sur la table, encore plein de poussières
et de traîtres petits cailloux : un par un, la main
droite les fait tomber dans la main gauche, et bientôt le
gros tas est passé dans des pots de grès où
on essaiera toute l'année de les protéger des « charançons ».
Comment imaginer une semaine sans haricots blancs ? Parfois
les bestioles s'infiltrent quand même. Il faut jeter les
pois, en acheter d'autres, qui, bien sûr, ne valent pas
les nôtres !
Souvent papa ne participe pas à l'uvre collective
: très habile de ses mains, il fabrique des paniers
d'osier, des petits, fins, des gros. Il en répare des vieux
dont le fond n'est que trou.
D'autres fois, avec le crin des chevaux, il fabrique des brosses,
pour brosser les chevaux eux-mêmes, pour les chaussures
... Il sait très bien faire les brosses ! Nous admirons...
Il sait aussi nous faire un petit lit de poupée, réparer
nos jouets qui étaient souvent en bois, ou encore... réparer
nos galoches, remettant sans cesse sous la semelle de bois des
caoutchoucs, ou même des fers... tant nous étions
justement « brise-fer », avec la redoutable
menace : « si vous ne prenez pas soin de vos
galoches, vous irez à l'école en sabots de bois ».
Suprême honte : c'étaient vraiment les très
pauvres enfants qui venaient en classe en sabots de bois !...
En 1936 37, avant de partir au Cours Dacier, je me souviens, quà
la veillée, dans le coin de la cheminée, j'apprenais
l'histoire des Egyptiens : cétait paraît-il
indispensable de bien connaître messieurs les pharaons pour
entrer en 6e !! Vers 9h (on ne disait pas 21 h), maman servait
un vin chaud bien sucré que chacun appréciait avant
de regagner sa chambre glacée...
Parfois, on était « invités à
la veillée » chez Tante Jaunault. Les hommes
faisaient une partie de cartes, les femmes tricotaient, bavardaient,
les enfants croquaient des châtaignes que Tante faisait
griller sur la flamme dans une poêle à longue-queue,
percée de petits trous. Et bien sûr, le vin chaud
! C'était la fête !...
Ainsi passaient les soirs d'hiver. Mais dès la fin de février,
les jours étaient plus longs, les soirées plus courtes.
On entendait bientôt les merles. La vie reprenait. Plus
de veillées...