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La religion : Paques, Paradis
« Mardi gras ! Cest mardi gras ! »
Nous attendions impatiemment les « carnavals »
= les masques, qui rendaient méconnaissables à nos
yeux les personnes les plus familières et nous faisaient
quand même un peu peur ! « C'est qui ?
C'est qui ? » - « Toi je te reconnais
à ta grosse voix même si tu es déguisé
en bonne femme. Mais lui ? Mais lui ?... »
Les « carnavals » voulaient embrasser tout
le monde, les filles surtout !... On leur donnait un verre,
une pièce, un beignet ... et il partaient chez le voisin ...
C'était drôle !
Mais le lendemain ... Carême !
Il y aura un petit retour de Carnaval, pour souffler un peu, le
jeudi de mi-carême. Re-crêpes, re-beignets, re-déguisements,
pour les enfants s'ils en avaient envie. La mi-carême était
la bienvenue ...
Et l'austérité reprenait... jusqu'au Jeudi Saint.
Car ce jour-là, à l'église, l'après-midi,
il y avait une cérémonie pour les enfants appelée
« le paradis ». L'autel de la Sainte Vierge
était tout fleuri et tout illuminé (même si
la Vierge était cachée, comme toutes les statues,
en signe de deuil sous un voile violet depuis le dimanche de la
Passion jusqu'au matin de Pâques). On chantait « Au
ciel ! Au ciel ! Au ciel ! J'irai la voir un jour !... »
Encens, aspersion d'eau bénite, une dizaine de chapelet...
C'était la fête des petits et ils étaient
tous là, tous beaux, fierté de leur maman, tous
habillés en légers vêtements d'été,
même si Pâques était à la fin de mars,
grelottant parfois... parce que la mauvaise saison était
derrière, parce qu'on était au printemps, parce
que... c'était comme ça : à Pâques
on étrennait ses robes d'été, à la
Toussaint ses manteaux d'hiver !
Encore deux jours d'efforts : Vendredi Saint, on allait
au Chemin de croix, comme d'ailleurs tous les vendredis de Carême,
le soir à 7h.
« Stabat mater dolorosa, juxta Crucem lacrimosa »
ça se comprenait à peu près, mais « Crucifixi
fige plagas cordi meo valide » oh là là !
Il fallait s'appliquer pour prononcer et chanter ! Ça ne
fait rien : on regardait les images des 14 stations, on sagenouillait,
on se levait ... sans s'asseoir (pénitence !) J'aimais
bien le Chemin de Croix ...
Le Samedi Saint, il ne se passait rien, mais vraiment rien, pas
même l'Angélus, puisque depuis le « paradis »,
les cloches étaient parties à Rome. Grand silence,
surprenant
Deuil. L'office du Samedi Saint très tôt
le matin, triste dans l'église froide à peine éclairée
et quasi vide, très long, non... ce n'était pas
pour nous.
Mais le lendemain, c'était Pâques, Pâques tant
attendu, pour enfin sortir du Carême, revivre, ressusciter,
se laisser aller à la joie. Mais attention ! Il fallait
d'abord aller à la « petite messe »
pour communier, si du moins, femmes et filles, nous n'avions pas
fait nos Pâques le Jeudi Saint. Car, chose curieuse, la
communion le jour même de Pâques était réservée
aux hommes qui avaient fait une longue queue devant le confessionnal
la veille, comme nous, femmes et enfants au début de la
semaine. C'était impressionnant de voir tous (ou presque
tous) les hommes de Louresse, endimanchés, venir en file
indienne s'agenouiller à la « Sainte Table » !...
Après quoi à 10h tout le monde se retrouvait à
la grandmesse, pour chanter à plein coeur la Résurrection
du Seigneur ! C'était grande fête... (même
sans oeufs de Pâques, au plus, quelques petits cocos en
sucre...), même en latin !