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Des jours fastes.
Anniversaires. Baptêmes. Mariages.
Maman n'oubliait pas un anniversaire, ni une fête. Tout
le monde avait droit à « son » gâteau
et ses fleurs. Oh ! Des fleurs du jardin, mais que nous allions
cueillir mystérieusement et dont en cachette nous faisions
une savante gerbe. Même les rudes commis se voyaient ainsi
« fleuris » deux fois l'an !!
Maman essayait de faire ce jour-là le plat préféré
du héros. Mais les gâteaux ? Elle n'avait pas
de four ! Eh bien, il y avait deux solutions. Ou bien elle
faisait un gâteau sans cuisson à base de biscuits
Brun, quelle trempait dans eau-de-vie ou rhum : une
couche de biscuits, une couche de confiture de groseilles, une
couche... une couche etc... jusqu'en haut du moule. Une assiette
dessus puis un poids de deux kilos pour bien « tasser ».
C'était absolument délicieux ! Parfois une crème
au chocolat, ou au café, ou à la vanille, remplacait
la confiture, selon le goût du héros. Même
procédé pour les charlottes, à base de biscuits
« cuillers ». Mêmes variantes...
Ou bien on recourait au boulanger, Monsieur Rochard. Il ne faisait
que 3 sortes de gâteaux : les galettes sablées,
les « Savoie » et les tartes. C'était
simple mais toujours tellement parfait et savoureux, à
la fois moelleux et croquant !... Je n'ai plus jamais mangé
d'aussi vraiment bons gâteaux ! Pour les tartes, nous
portions des fruits de saison. Il faisait cuire les gâteaux
après le pain. Le soir nous allions les chercher (en grand
secret toujours !) et nous aimions entrer dans la boulangerie
chaude, respirer la bonne odeur de pain, entendre la croûte
craquer, voir les grandes pelles s'enfoncer dans le four noir
et revenir chargées d'un grand pain doré ...
Et Monsieur Rochard était si gentil toujours.
Ah ! Nous aimions aussi les baptêmes ! D'abord parce
que Monsieur Beritault montait « carillonner ».
La cérémonie était vite expédiée
au fond de l'église. Maman nous mettait des « sarraus »
propres et nous allions attendre « la sortie ».
Les voilà ! Les voilà !... Nous nous rapprochions
le plus possible, nous, tous les gamins de louresse ! Tous
là, n'ayant dyeux que pour les mains qui allaient
jeter dragées et « sous », sur le
trottoir, sur la route, dans les caniveaux, le plus loin possible !...
Parfois des mains très généreuses !
Et nous courions, criant, riant et nous bousculant. Le soir il
y avait toujours des enfants qui revenaient et scrutaient les
moindres recoins, même dans l'eau sale des caniveaux. Ô
hygiène !!... Nous n'avions pas souvent des bonbons.
C'était notre seule occasion de déguster des dragées
: les plates aux amandes, les rondes au chocolat, les carrées
au caramel, les longues a la liqueur, avec différentes
couleurs. Nous faisions des échanges, nous marchandions...
Les « gars » essayaient d'en chiper aux
filles ! Et nos tirelires y trouvaient aussi leur compte.
Les mariages étaient moins intéressants pour nous,
les enfants, mais au carillon, toutes les femmes et leurs gamins
sortaient sur le trottoir. Il fallait voir la mariée, sa
robe, ses demoiselles d'honneur, tout le cortège qui défilait
de la mairie à l'église puis de l'église
à la maison où était dressée une tente,
à moins que la grange ne soit suffisante. On reconnaissait
monsieur « un tel » et sa femme, dans leurs
superbes atours, la petite « x « avec son
air prétentieux, le gros « y » qui
fera bien rire la noce, le père « z »
qui roulera sûrement sous la table ce soir... Une semaine
de commentaires en perspective ! Chaque mariage était
une fête pour tout le village...