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Et nos « petits copains » ?
C'était essentiellement Huguette et Gérard Laurendeau,
Agnès Moreau ( 2e fille de l'institutrice ) et, moins souvent,
Odile et Nono Charron, les filles du boucher.
Que faisions nous ensemble ? Bien sûr tous les jeux traditionnels.
Mais on s'offrait aussi de bonnes parties de poupées. Chacune
apportait la sienne. Bernard et Gérard étaient les
papas. On les envoyait à la chasse ou dans les champs pour
quils nous laissent en paix. Nous les mamans, dans la cour
par beau temps, sous la tonnelle, dans le « billard »
s'il pleuvait, nous commencions par dessiner les murs de notre
maison, y installer les meubles imaginaires, définir les
rôles de chacune, coucher les poupées, sortir les
dînettes. Les unes faisaient les « courses »,
rapportaient feuilles, fleurs, gravier, sable, graines... pour
mijoter des plats savoureux. Les autres restées « à
la maison », balayaient, faisaient le ménage,
préparaient la table... L'imagination aidant, nous passions
des heures heureuses... quand les garçons ne nous faisaient
pas trop enrager ! Il nous arrivait de prendre la « chienne-loup »
Sultane, comme bébé. Elle se laissait habiller,
rouler dans le landau, douce comme un agneau avec nous, mais pas
avec les autres ! Malheureusement elle fut écrasée
sur la route.
Nous jouions aussi avec de jeunes pies quArgoulon dénichait.
Nous leur donnions à manger « Margot !
Margot ! » du pain dans du lait, des morceaux
de fruits. Nous leur apprenions à parler... Elles ne pouvaient
s'envoler car nous leur avions rogné les plumes d'une aile.
Alors, elles sautillaient auprès de nous, drôles,
familières, nous écoutant en penchant la tête
à droite, à gauche, comme si elle comprenaient !...
Mais surtout ne pas laisser nos boîtes de perles à
leur portée ! Elles emportaient tout ce qui brillait !
Car nous jouions aussi à enfiler des perles. On fabriquait
bracelets et colliers. On les faisait et refaisait autrement...
(Quand nous étions seules, Anne et moi, plus sérieusement
maman nous apprenait à faire du canevas, de la couture,
du tricot pour nos poupées, à coudre des boutons
... à raccommoder même, car il n'était pas
question de « rester là, à ne rien faire »,
l'oisiveté étant mère de tous les vices,
comme chacun sait.
Chez Odile et Nono, il y avait une balançoire, dans le
hangar où leur père abattait les veaux. Un jour
je suis tombée et me suis démis le bras. Comme rééducation,
pendant des semaines, maman me faisait faire 10 fois le tour de
la cour en tenant un poids de 2, puis de 5 kilos... Pas de séquelle
!
C'est plutôt chez Huguette et Gérard que nous aimions
mettre notre nez, ce café-tabac où il passait tant
de gens, où il se passait tant de choses ! Et puis, dans
le couloir sombre, le long de l'alcôve des grands-parents,
il y avait souvent des fonds de bouteilles de bière, de
soda, de limonade... Nous nous régalions sans vergogne,
au goulot !...
Le dimanche après vêpres, l'été, parfois
maman nous proposait d'aller chercher tous nos amis pour une partie
de « croquet ». Il fallait bien balayer
un coin de la cour, mesurer et délimiter le terrain à
l'aide d'un manche de maillet, planter soigneusement arceaux et
« cloche », organiser les équipes
( non sans discussions !) et puis jouer, « croquer »,
« envoyer bouler ». Mais le terrain défectueux
nous jouait de bien mauvais tours : colères !! Parfois
alors se joignait à nous Cécile Moreau. Andrée
jouait aussi. Et maman, au « croquet » revivait
ses belles années au Cours Dacier... C'était son
jeu préféré.