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La lessive.
Madame Moreau, institutrice, avait sa laveuse, la mère
Chauvreau, qui faisait bouillir le linge en plein air sous un
petit hangar dans une chaudière, puis allait le rincer
au ruisseau de Grenette. Là-bas, dans l'eau courante, elle
lavait aussi le linge de couleur, le linge fragile etc... Avec
Agnès, Cécile et Huguette nous allions parfois la
chercher à Grenette pour rouler sa brouette trop lourde...
On aimait arriver un peu trop tôt pour essayer d'attraper
vairons et grenouilles ou cueillir quelques fleurs, ou simplement
tremper nos mains et nos pieds dans la toute-petite-mini-rivière
de Louresse, sentir l'eau courante glisser entre nos doigts...
Maman n'allait pas à Grenette. La lessive se faisait à
la maison avec Yvonne puis Andrée. Elle avait la chance
d'être déjà équipée d'une machine,
mais ce n'était pas pour autant du « tout cuit »
! Il fallait le lundi mettre le linge à tremper dans du
« lessis », dans un des « cuards »
en bois, puis frotter ce linge le lendemain matin pour enlever
le « plus gros ». Et il fallait frotter
vigoureusement pour décrasser les torchons noircis à
la cheminée, ou les draps des commis qui ne se lavaient
guerre ! Après quoi il fallait « mettre à
la machine » ce linge pour y bouillir et « tourner »
dans un tambour, une heure (d'abord il fallait tourner à
la main en se relayant puis un petit moteur électrique
est venu à la rescousse). Ensuite essorage à la
main de chaque morceau, avec vérification (s'il reste des
tâches : eau de Javel). Puis rinçage à
deux ou trois eaux dans les « cuards » (que
de seaux à pomper !). Puis le linge « égouttait »
à cheval sur de hauts tréteaux, après un
nouvel essorage. Les nappes et rideaux, pour plus de blancheur,
étaient « passés au bleu ».
Il fallait se mettre à deux pour essorer les draps en les
tordant énergiquement ! Ces draps de grosse toile,
très lourds, peut-être tissés par les grands-mères,
« retournés » quand le milieu commençait
à « s'éclaircir », rapiécés
etc... La mode n'était pas à la consommation mais
à l'économie !
Ce qu'il ne fallait pas oublier, c'est que tous les seaux d'eau
pour la machine et les cuards , pour le lavage et le rinçage,
pour les gros draps et le linge fin, il fallait les pomper et
les apporter dans la buanderie à bout de bras !
Et toute l'eau usée, il fallait l'évacuer des cuards
et de la machine de la même façon, en jetant des
« seillées » dans le caniveau qui
longeait la maison ! (sauf du « lessis »
de la machine que maman gardait pour décrasser son carreau
le samedi soir).
Le linge était étendu dans le soleil et le grand
vent, dans le grand jardin tout là-haut. C'était
lourd. En cas d'averse, il fallait vite courir le « détendre » !
On arrivait souvent trop tard...
Maman a eu assez vite un fer électrique mais je me rappelle
l'avoir vue utiliser les « plaques » qu'elle
chauffait devant le feu dans la cheminée et, pour le gros
linge, les pantalons etc
le « gros fer »
bourré de braise... Difficile que ces fers ne laissent
pas parfois une trace noire, ou trop chauds, ne « roussissent »
pas le blanc !!
Mais alors on ne se changeait pas tous les jours comme aujourd'hui.
Parents et enfants devaient faire très attention à
ne pas se salir (il n'y avait pas de fibres synthétiques
lavables en machine !). D'où l'usage courant du « tablier ».
Il y en avait de jolis pour les jours de fête.