Une scène terrible.
Dans cette lettre qu'il écrit à ses parents, on sent qu'Emile a été bouleversé par la scène. De quoi était accusé le malheureux condamné : désertion, lâcheté devant l'ennemi ? On ne le saura jamais.
Je choisis de montrer la lettre telle qu'Emile l'a rédigée. Cela renforce encore l'aspect tragique de l'évènement.
Chers parents, Je pars ce soir dans la tranchée avec tout le 68e. Soit-disant ce n'est que pour deux jours, ce qui fait que la fatigue ne sera pas trop forte. Ce matin j'ai assisté à une scène terrible. Mon escouade a été désignée et il a fallu être présent. « Il » fut amené en voiture et alors aussitôt, tous, baïonnette au canon, nous attendions le pauvre camarade. La voiture s'arrête. Aussitôt elle est entourée du peloton qui doit conduire le coupable jusqu'au poteau, accompagné de l'aumônier. Il arrive, la tête assez haute, cependant, mais pâle... Il est attaché par la ceinture et on lui bande la vue. Aussitôt on entend des coups de feu et il se double sur lui-même. Un chef aussitôt, revolver en main, lui brûle la cervelle pour moins le faire souffrir. La musique joue son plein avant et après l'exécution. Et tous, en colonne par 4, nous défilons devant ce corps dont la tête a été trouée de 12 balles. Émile Breton 1916 (21 ans)