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Petits oublis
"Maman, papa est en Normandie. Est-ce que je peux dormir
avec toi ? Ah ! Chacune son tour"... Pauvre maman,
elle se serait beaucoup mieux reposée seule. Mais quand
nous étions tout petits, comme c'était bon de s'endormir
dans sa douce chaleur !
Un « petit travail »
oublié : trier les pommes. Papa aimait beaucoup les
pommes, nous en récoltions beaucoup, à Chauvigné,
à Lentigné..., de plusieurs espèces, des
« primes » et des « tardives »,
de façon à en avoir tout au long de l'année.
Parfois maman nous disait le jeudi : « Allez
voir s'il y a des pommes de tombées ». Mais
celles qui étaient un peu abîmées pouvaient
faire d'excellentes compotes au vin. Et quelle merveille que des
pommes cuites sans être pelées sur un gril, sur de
douces braises qui les caramélisaient ! Quel parfum
! Un beau jour, les commis attellent un tombereau rempli
de caisses. Et le soir le « carreau » du
billard est couvert de pommes, un tapis de pommes, jaunes dans
un coin, vertes dans l'autre, brunes dans le secteur des « Canada ».
Mais bien sûr, il y en avait toujours qui pourrissaient :
il fallait les enlever (c'était un « travail »
du jeudi). Et qui se régalait avec les pommes gâtées
? Les lapins !
Dans le « billard », il y avait aussi des
« potines » très intéressantes :
celles qui étaient remplies de pruneaux ou de poires sèches.
En effet quand il y avait trop de prunes de Sainte-Catherine,
même trop pour les confitures, maman les faisait sécher
dans le four à pain de grand-père Benjamin (celui
de notre cuisine). Nous étions requis pour bien ranger,
une par une, les prunes dans des plateaux d'osier tressé
appelés « rondeaux ». Maman, comme
le boulanger pour le pain, faisait brûler des « bourrées »
dans le four pour le chauffer. Puis elle retirait les braises
et glissait les « rondeaux » dans le four
chaud quelle fermait. Il fallait répéter cette
opération plusieurs jours de suite afin que les pruneaux
se conservent bien, mais avec grande vigilance pour qu'ils ne
deviennent pas complètement desséchés autour
du noyau !! Même chose pour les poires, qu'on devait
d'abord éplucher et couper en deux dans le sens de la longueur.
À la veillée, j'ai oublié de mentionner une
autre occupation : « casser des noyaux ».
En effet maman en plus du cassis etc..., faisait une délicieuse
« liqueur de noyaux ». Comme on récoltait
des paniers et des paniers de cerises et de prunes, maman gardait
les noyaux quand elle faisait les confitures. Elle les laissait
sécher. Puis à la veillée, muni d'un marteau
et d'une clé de boîte à sardines, chacun devait
casser les noyaux sans écraser l'amande, précisément
en emprisonnant le noyau dans la boucle de la clé. Amandes
et coques étaient mises à macérer quelques
mois dans l'eau de vie. Avec un sirop de sucre, maman transformait
cela en une liqueur exquise, celle que je préférais
à toute autre et quon servait aux fêtes, anniversaires,
premier de l'an etc
Grand-père Benjamin aussi cassait
des noyaux quand il n'avait rien de plus urgent à faire
!
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« Mens sana in corpore sano »
voilà ce que maman visait pour ses enfants, ce qui lui
faisait prendre des mesures énergiques. Aussi redoutait-elle
pour moi deux choses, entre autres : que mes incisives n'avancent
et que mon dos ne s'arrondisse. Pour parer à cette éventualité,
elle me demandait deux choses tandis que j'apprenais mes leçons
:
- ou bien appuyer mes dents sur le bout d'une règle tandis
que l'autre bout appuyait sur la table !
- ou bien passer un manche à balai dans mes deux coudes
derrière mon dos, pour me redresser !
Alternativement, bien sûr !... Cest qu'il n'y
avait ni orthodontie, ni kinésithérapie ! Et
une fille voûtée avec des dents de cheval, non !
non !
La tenue à table était aussi
une chose à laquelle elle tenait beaucoup et parfois, quand
nous nous étalions vraiment trop, elle allait chercher
deux livres ou deux journaux, les glissait sous nos bras, et nous
devions achever le repas sans les laisser tomber ! Essayez un
peu !...
Oui, je fus au Mont Saint-Michel à 5 ans. Je ne me rendais
pas compte des distances et j'étais tout étonnée
que mon entourage ne le connaisse pas comme moi : « Tu
ne connais pas le Mont Saint-Michel ?? Et j'allais chercher dans
ma « boîte à chat » mon porte-plume
et ma boîte à ouvrage : « Le voilà
! Regarde ! »
La corneille dHuguette et Gérard
: un dimanche, Huguette part à la messe. La corneille
la suit, saute de branche en branche jusqu'à l'allée
de l'église, jusqu'au clocher, malgré les protestations
dHuguette qui finalement renonce à la messe, craignant
que la corneille ne la suive jusqu'à l'intérieur
de l'église !
- Les Sables d'Olonne.1936. J'avais 11 ans. Première baignade
en mer. Premiers jeux sur la plage. Je ne prendrai pour la première
fois le train quà 18 ans pour aller à Paris
(récompense du bac
).
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