P57


Catéchisme et communions.
Bien sûr, le catéchisme était de rigueur. Le « petit catéchisme » (je l'ai encore) pour la petite communion. Le « grand catéchisme » pour la grande. À savoir par cœur bien sûr et maman ne manquait pas de nous expliquer et de nous faire réciter.
J'ai fait ma première communion à 7 ans, donc j'ai appris mon « petit catéchisme », plus « la grande prière » (Notre père, Je vous salue Marie, Je crois en Dieu, Je confesse à Dieu, Commandements de Dieu et de l'Eglise, Actes de contrition, de foi, d'espérance et de charité) de 6 à 7 ans. Peut-être cependant les « Commandements » étaient-ils réservés à ceux du grand catéchisme  (?). Quoi qu'il en soit, il n'était pas question de badiner. Ni Monsieur le Curé ni maman n'étaient indulgents sur ce chapitre !
Je me rappelle que je préparais très sérieusement cette première communion à l'aide d'un petit « carnet » où je marquais quotidiennement efforts, prières et petits sacrifices. Une retraite de 3 jours juste avant le jour J mettait le point d'orgue à la préparation. Confession scrupuleuse « combien de fois ?? » Répétition pour la communion : attention à avaler l'hostie d'un coup, sans que les dents y touchent, ni bien sûr un doigt si elle collait au palais, et... sans s'étrangler  ! Bref tout se passa bien  : couronne de communiante, jolie robe blanche toute simple. En fait, la fête de cette première communion fut intime et sans faste, de même que la confirmation que je reçus dans la foulée, trop jeune assurément pour en mesurer la portée. Plus que de Monseigneur et de son « soufflet », je me souviens des oiseaux qui ornaient le chapeau de la Marquise de Contades, notre commune « marraine de confirmation » !!
Événement plus marquant  : ma communion solennelle. J'héritai évidemment de la robe de mousseline qui avait servi à Anne, de son voile aussi, mais maman avait tenu à ce que nous ayions une coiffure personnelle  : Anne, un béguin de tulle sous le voile, moi une couronne par-dessus. De même pour « l'aumônière », petit sac de mousseline attaché à la ceinture. Les garçons, eux, avaient des « costumes » souvent foncés, et autour du bras gauche, un brassard de soie blanche brodé d'un lys ou d'un calice, avec des franges. Il fallait encore prévoir le cierge. Et là aussi, hélas ! comme aux enterrements, il y avait des « classes » : maigre cierge uni, cierge uni plus gros à poignée argentée et gros cierge orné de fioritures en cire avec une « poignée » dorée... Maman s’en tenait sagement au cierge moyen, nous expliquant qu'il ne faut jamais se faire remarquer.
Même scénario que pour la « petite communion », même préparation, même retraite, même demande d'efforts appropriés à l'âge, mêmes « résolutions » à prendre et à écrire sur son « carnet ». C'était sérieux. S'ajoutaient la répétition, à l'église, de la « Consécration a la Sainte Vierge » qui aurait lieu aux vêpres, et celle de la promesse solennelle à faire sur les fonts baptismaux en étendant la main  : « Je renonce à Satan, à ses pompes et à ses œuvres, et je m'attache à Jésus-Christ pour toujours ». Heureusement on nous avait expliqué « les pompes et les œuvres » de Satan  !...
Je n'avais que 10 ans mais c'est en toute sincérité que je promis de tourner le dos au diable et de m'attacher à Jésus-Christ pour toujours...

__________________________________________________________________________________________

Page 58


Ce jour-là était grande fête pour le communiant, à la maison autant qu'à l'église.
De tels jours, maman voulait être vraiment disponible. Aussi bien, longtemps à l'avance, s'assurait elle le concours d'une cuisinière, toujours la même  : Marie Boivin. Cette dame s'organisait mieux que maman avec la « cuisinière à bois », arrivée dans un coin de la cuisine justement pour la communion d'Anne. Sans robinet, elle se débrouillait avec les moyens du bord, aidée par Andrée.
Maman m'avait consultée pour prévoir le menu, tout ce que j'aimais (je ne me rappelle plus quoi…) Elle était allée la veille à Saumur pour acheter tout le nécessaire, des choses exceptionnelles  !... Elle avait rapporté les « menus », imprimés en même temps que les « images de communion » !... Déjà le couvert était soigneusement mis dans la salle à manger : le service de porcelaine à fleurs bleues reçu à son mariage (elle préférait le « Limoges » à fleurs roses de sa mère mais il n'y aurait pas eu assez d'assiettes), les verres fins, l'argenterie dûment astiquée, nappes et serviettes blanches brodées, fleurs blanches dans les vases... Tout était parfait. Porte fermée à clé, la salle à manger attendait...
Quels invités  ? Grand-père avant tout, mon parrain et ses parents, ma marraine et les siens, Tonton et Tante de Saumur, Tante Marraine et l'oncle Amand. Plus nous 5  ! C'était vraiment la fête !... Avant de se mettre à table, quelques photos (maman avait acheté une petite « boite Kodak » pour la communion d'Anne). C'était prudent, car la sonnerie des vêpres arriverait toujours trop tôt. Tout le monde passe au « lave-mains » dehors, et puis on s'installe... pour bien se régaler.
Les grandes serviettes blanches s’étalent sur les genoux, ou s'accrochent aux cols, (car les tissus ne se lavaient pas comme aujourd'hui  ! Une tache était un truc bien ennuyeux ... !) J'avais gardé ma longue robe de mousseline, promettant de faire très attention. Et puis, patatras, en me servant la sauce du rôti, je fais tomber la cuillère grasse sur mon aumônière  ! Ô rage ! Ô désespoir  ! J'irai aux vêpres sans aumônière  !!

Au dessert, une belle pièce montée (classique ! comme : langoustines, foie gras, soles, ris de veau, filet de bœuf etc  !... Avec au faîte l'inévitable mini-communiante. Une excellente bouteille de vin doux, du Layon, une des « bouteilles de maman » qui dorment sous la chambre. Je reçois les traditionnels cadeaux  : le beau missel comme celui d'Anne, offert par Tante de Saumur, le très joli chapelet en argent offert par mon parrain, le crucifix, cadeau de Tante Jaunault, et je crois que ma marraine avait payé mon cierge. Pas de cadeaux profanes, ce n’est pas le jour. (Si ! grand-père nous offrait notre première montre et c'était alors un très beau cadeau destiné à durer des années et des années !) Maman ne nous offre ni bijou ni rien  : elle envoie de notre part à un missionnaire d'Afrique une petite « mallette » contenant petit calice, petit ciboire et patène, pour dire la messe en brousse. Bien sûr elle avait acquis notre consentement... Sainte maman ! C'était le dimanche de la Trinité 1935.

___________________________________________________________________________________________

Page suivante

Retour page titre