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La Mission.
C'était quoi, une mission ?
Eh bien, deux religieux « missionnaires »
s'installaient dans le village pour une bonne quinzaine. Leur
but ? Ranimer la ferveur des chrétiens, à grand
coup de messes, de prières à l'église, de
chapelets, de sermons, de réunions, de chemins de croix,
de confessions, de communions, de chants d'adoration du Saint
Sacrement etc... tout au long des 15 jours. C'était l'hiver.
Peu de travail aux champs. Donc du temps pour « se
convertir », afin d'éviter « l'enfer »
très présent dans les prédications.
Les missionnaires passaient dans toutes les maisons, « Tels
jours, nous serons à la Bournée, tels autres jours
à Rochemenier » etc... Ils frappaient à
toutes les portes, pleins de zèle apostolique, pour discuter,
endoctriner, au risque parfois de se voir claquer la porte au
nez !...
C'était une quinzaine très organisée :
tel jour, confession des femmes, tel autre des enfants, tel autre
des hommes, des jeunes filles, des jeunes gens etc... Vers la
fin, messe solennelle de communion générale dans
une église illuminée du haut en bas, de centaines
de bougies. C'était superbe, du jamais vu !
Le dernier dimanche, une procession rassemblait tout le village,
conduisait sur un brancard le Christ rénové, de
l'église au calvaire. Des roses en papier à foison,
de l'encens, des chants, des prières le long de la route
et au calvaire : c'était la « clôture »
de la mission !
Les Louressois étaient-ils convertis ? Dieu seul
le sait ! Mais les missionnaires s'étaient donné
bien du mal, pour faire de cette quinzaine un « temps
fort » dans leur vie.
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Les processions : Toussaint, Rameaux,
obsèques au cimetière.
Les processions s'étiraient tout au long de l'année.
D'abord, à la Toussaint, procession autour du cimetière
avec prières pour les morts dont les tombes avaient été
dûment nettoyées et fleuries. Beaucoup de femmes
en deuil avec leur long voile de crêpe noir qu'elles devaient
porter des mois et des mois, selon un code bien établi
: tant de temps pour les parents, tant pour le mari, tant
pour les oncles et tantes, les grands-parents, les cousins ou
enfants... Malheur à celle qui aurait écourté
le deuil ! Et après le noir, grand voile puis petit
voile, il fallait quelques mois s'habiller en noir et blanc, en
gris, en mauve... pour finalement pouvoir retrouver ses vêtements
de couleur, forcément démodés. Du fait des
deuils successifs, je n'ai jamais vu ma petite maman habillée
« en couleur ». D'ailleurs elle en avait
perdu le goût ! et ne s'octroyait que du beige ou
du bleu marine... Pourtant elle aimait les jolies choses, la qualité,
soffrait des chaussures fines de chez Bally, des gants de
peau douce, des sacs élégants mais... toujours noirs
! ou bleu-marine, très rarement bruns.
Cette procession en deuil se renouvelait aux Rameaux. Je n'ai
jamais bien compris pourquoi ce jour-là on faisait cette
triste procession au cimetière alors que la liturgie fête
l'entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem.
Mais ... Il en est encore ainsi aujourd'hui, avec toutefois des
différences
les femmes ne sont plus en deuil, et,
si l'on continue à fleurir royalement les tombes, il n'y
a plus de « procession des Rameaux » au
cimetière. Il reste quon dit encore aujourd'hui :
« s'il pleut ou vente pendant la procession des Rameaux,
il en sera ainsi toute l'année ! » .
Au cimetière, on y allait bien sûr aux enterrements.
Quelqu'un décédait-il ? Le « trépassement »
sonnait à l'église,13 coups pour les hommes, 11
pour les femmes, je crois (cette tradition perdure). Puis une
femme passait dans toutes les maisons « prier à
l'enterrement » : « Je viens vous
prier : lenterrement est tel jour à telle heure »...
Mais quel enterrement ? Première classe ? 2e classe ?
3e classe ? Selon la classe, il y avait plus ou moins de tentures
noires, avec ou sans franges argentées. En ville, les enterrements
« première classe » avaient droit
à un somptueux harnachement des chevaux qui tiraient le
corbillard, et aux initiales (argent sur noir) du défunt
au-dessus de la porte de l'église. Mais aussi hélas
! à plus de chants, à des jeux d'orgue, à
lencens... À Louresse, heureusement, tout était
simplifié par la force des choses : le menuisier
fabriquait le cercueil, pas de corbillard, pas de chevaux :
4 hommes portaient le mort à l'église puis au cimetière.
Il fallait tout de même cheval et charrette si le mort venait
de La Bournée ou Launay... Mais à Rochemenier, comme
aujourd'hui encore, les morts étaient enterrés sur
place. Le laid « marchandage » se trouvait
atténué, mais il y avait quand même des « classes »,
soulignées par de pauvres détails d'une extrême
importance !
De Brosse, Launay, La Bournée, les gens venaient à
pied derrière le cercueil. Parfois la famille, venant d'ailleurs,
devait faire des heures de voiture à cheval. Aussi bien
les obsèques étaient-elles toujours suivies d'un
bon repas familial où chacun était partagé
entre le chagrin et la joie... de ne pas être le mort !
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