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Les repas.
Trois vrais repas par jour, plus un goûter pour les enfants.
Le déjeuner. Papa et les commis se levaient tôt pour s'occuper des chevaux. Il y en avait régulièrement une bonne douzaine. Les soigner le matin (faire les litières, étriller et brosser les chevaux, leurs donner foin et avoine, les sortir pour les faire boire ... Cela représentait 1h30 de travail. Alors vers 8h, « les hommes » avaient faim et le petit déjeuner devait être solide : soupe, restes de viande, rillettes, omelette, harengs grillés, fromage, café avec « goutte » (= eau de vie). Nous, les enfants, avalions banania et tartines, souvent grillées devant le feu, de vastes tartines de « pain de 6 livres ». Le dimanche matin, pour tout le monde, larges biftecks grillés.
Le dîner (midi). Soupe, viande, légumes de saison à satiété (asperges, petits pois...), fruits. Comme viande, volaille, lapin, charcuterie, rôti de porc, mais aussi pot-au-feu, boeuf aux carottes, veau... Au dessert, noix toute l'année, et pommes variant selon les saisons. S'ajoutaient au fil des mois : fraises, cerises à gogo, prunes, poires, pêches, raisins... Nous nous régalions de toutes ces grandes jattes de fruits savoureux que maman passait beaucoup de temps à cueillir. Bien sûr poisson le vendredi !
Le souper (de 19h à 21h selon les saisons) était moins riche en viande. Soupe toujours, mais aussi des œufs, des pâtes au gruyère, du laitage. Deux fois par semaine le mardi et le vendredi, après la soupe, des haricots blancs avec salade, cuits dans l'eau de pluie, longuement, doucement, dans une petite marmite noire devant le feu. Surtout veiller à ce qu'il ne brûlent pas ! Ils prendraient un goût horrible... Il faut les « ravouiller » souvent... Avec un bon morceau de beurre, que c'était bon !
Comme maman n'avait pas de four, elle profitait souvent de cette cuisson des haricots blancs (les « pois ») pour préparer des œufs au lait  : elle avait un plat d'émail blanc qui allait juste sur l'ouverture de la marmite. Elle y versait la préparation et recouvrait le tout d'un « four de campagne », sorte de tôle à rebord, munie d’une queue, qu'elle remplissait de braises. Ainsi les oeufs au lait cuisaient entre deux sources de chaleur et ils étaient excellents ! Mais il fallait avoir beaucoup d'expérience pour doser les braises dans le « four de campagne ». C'était très délicat...
Ainsi avions-nous une nourriture très saine, tirée en grande partie de la basse-cour, du jardin, des arbres fruitiers dans les champs. Pas de cochon à la maison. Pas de vache non plus. Nous allions chercher le lait à la ferme du Plantis, chez Drouet (parents d'Yvonne Rebellier), plus tard chez les parents de Suzanne Portal qui souvent nous disaient : « Prenez donc des « pépines » dans les citrouilles, les filles ! » Et nous décortiquions les pépines, comme une friandise.
Nous aimions regarder fonctionner l’écrémeuse chez Drouet, mais nous allions chercher le beurre à Ecotier chez Madame Lassinot. Maman en salait beaucoup pour l'hiver dans des pots de grès (papa lui en apportait des mottes de Normandie). De même qu’elle mettait des œufs en conserve dans des « potines » pleines de lait de chaux, au printemps quand les poules pondaient beaucoup. Oh ! Que je n'aimais pas plonger mes mains dans ce lait de chaux pour attraper les oeufs en hiver ! Ça me passait partout...
Le goûter des enfants. Jamais de gâteaux. Des tartines de rillettes, de beurre, de fromage. Ou bien avec le pain carrés de chocolat, ou 4 pruneaux, 4 abricots secs ou figues. Parfois, sur le beurre, on saupoudrait du Banania ou du sucre en poudre. Délices... et moustaches !

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