Histoire du soldat Florentin REVAULT

Florentin Pierre REVAULT est né le 14 juin 1914 à Rochemenier. C'est son père qui déclare sa naissance à la mairie, assisté de deux témoins bien connus sur la commune : Pierre BIGEARD (le garde-champêtre) et Alexandre PAIN (l'instituteur). Ses parents sont Florentin REVAULT, 29 ans, cultivateur, né à Saint-Germain-de-Longue-Chaume (Deux-Sèvres) et Agnès Marie TERBAL, 34 ans, cultivatrice, née à CLESSE dans les Deux-Sèvres. Florentin REVAULT père ne connaîtra pas longtemps son fils puisqu'il est appelé à la guerre en août 1914 et décède sur le champ de bataille le 22 février 1915 à Xon-Lesmesnils (Meurthe-et-Moselle). Sa veuve Agnès Marie REVAULT-TERBAL reçoit une aide de l'état de 150 Francs et ses deux enfants, Florentin et Léone, sont déclarés pupille de la nation. L'exploitation agricole continue. Agnès Marie REVAULT-TERBAL se remarie en 1921 avec Emile REUILLER. Florentin entre à l'école le 1er mai 1920 et obtient son certificat d'études le 22 juin 1926. Dès son plus jeune âge il est habitué aux travaux des champs. Il fait son service militaire au 109e Régiment d'Artillerie Lourde. Il se marie le 7 novembre 1936 avec Marie LASSINOT, cultivatrice à Louresse-Rochemenier, née en 1912 à La Gaubretière (Vendée).

La guerre est déclarée le 3 septembre 1939. Les autorités militaires devaient avoir anticipé cette situation puisque Florentin est mobilisé dès le 27 août. Après une période d'instruction il est envoyé dans le nord-est du pays en janvier 1940, toujours dans l'artillerie. C'est la "drôle de guerre". Rien ne bouge. Florentin bénéficie au moins d'une permission vers octobre 1939 (on le sait par la date de naissance de son premier fils le 13 juillet 1940). Il est fait prisonnier le 22 juin 1940 à Germigny (Marne) dans des conditions inconnues, mais Florentin prétend qu'on ne lui a jamais donné de fusil. Il est interné en Allemagne au Stalag XI B.

La captivité

Le Stalag XI B se situe en Basse-Saxe, au sud de Hambourg. C'était d'abord un hébergement construit en 1937 pour les besoins de l'armée allemande. En 1939 ce camp change de fonction. Il est entouré de barbelés et sert à interner les prisonniers de guerre, tout d'abord les Polonais, puis les Français et les Belges. A partir de 1941 s'y ajoutent les Russes, et en 1943 les Italiens. Plus de 90 000 prisonniers passent par ce Stalag. Une telle concentration humaine favorise les épidémies et en particulier le typhus. La majorité des prisonniers est répartie dans des camps de travail situés dans la région : exploitations agricoles, usines, ateliers etc. C'est le cas de Florentin qui est affecté dans une grosse exploitation agricole. Voici quelques souvenirs qu'il a bien voulu me raconter : "Quand je suis arrivé dans la ferme j'ai fait la connaissance du patron. C'était un colosse effrayant, rigoureux mais pas vraiment méchant. Ses fils étaient mobilisés dans l'armée allemande. Deux d'entre eux ont été tués pendant la guerre. Comme j'avais l'âge de ses enfants et que je lui rappelais un peu ses fils, il a toujours été gentil avec moi. J'étais responsable des chevaux, mais j'étais obligé de leur donner leur ration d'avoine en cachette, sinon les prisonniers russes venaient manger l'avoine crue tellement ils étaient affamés. Les Russes étaient mal vus. Ils ont vraiment souffert. Entre autres cultures on faisait 6 hectares de petits pois. Vers la fin de la guerre je disais à mon patron en montrant les petis pois et en faisant avec la main le geste de manger : "English, English !" pour signifier que bientôt ce seraient les Anglais qui mangeraient les petits pois. Dans une ferme voisine il y avait un gros troupeau de moutons. A la libération du camp, les prisonniers russes les ont tous mangés. Pendant la captivité j'ai constaté l'avance technologique allemande dans tous les domaines. Ils faisaient déjà de l'ensilage, ce qui était encore inconnu en France. En captivité j'ai eu des problèmes de santé que je n'avais jamais eu auparavant, dont des crises d'épilepsie. J'ai été bien soigné, comme si j'étais Allemand".

La libération

Le Stalag est libéré par les alliés le 16 avril 1945, mais la guerre n'est pas encore terminée. Les alliés n'ont pas encore les mains totalement libres pour rapatrier ces millions de prisonniers de toutes nationalités. Mais l'espoir fait vivre. Pour les prisonniers c'est certain, le cauchemar est terminé. Le moral revient. La France, qui fait partie des vainqueurs et qui fournira une des quatre troupes d'occupation, cherche et soigne ses prisonniers, et organise leur retour. Florentin est officiellement rapatrié le 9 mai 1945. Comme il était prisonnier dans l'ouest de l'Allemagne, c'était assez facile. Malheureusement pour les prisonniers dans l'est de l'Allemagne c'était plus compliqué. L'ouest de la France était déjà libéré depuis plusieurs mois et le téléphone fonctionnait à nouveau. Florentin peut annoncer son arrivée à la gare d'Angers. C'est Madame Louise BONNET (née LANDARD) qui va le chercher en voiture. Cette femme, en avance sur son temps, avait déjà le permis de conduire et une voiture. La nouvelle se répand très vite dans la commune. Le retour d'un prisonnier, attendu depuis si longtemps, est un immense évènement. A Rochemenier on dresse des tables sous les arbres devant le manoir de Pierre-Basse. On apporte verres et bouteilles de vin, et sans doute des gâteaux. Le maire Joseph COURANT prépare un petit discours. La population est fébrile. "Le voila ! La voiture arrive !". L'émotion est à son comble, les larmes coulent. Bien sûr on donne la priorité à Marie son épouse. Elle tient par la main leur fils de presque 5 ans que Florentin n'avait encore jamais vu. Sa mère Agnès, sa soeur Léone, sa belle-famille, tout le monde veut serrer Florentin dans ses bras. La foule se tait, gagnée par l'émotion. Les coeurs battent fort dans les poitrines. Mais petit à petit les paroles reviennent. Florentin, amaigri et bien que très fatigué par le voyage, tient à revoir et saluer tout le monde. Chacun aurait des tas de questions à poser au prisonnier : "Comment c'était là-bas ?". Mais on n'ose pas monopoliser le héros de la fête. On aura bien l'occasion de lui parler dans les jours qui viennent. Après ce long moment de retrouvailles, Forentin, Marie et leur fils sont conviés à faire le tour du village dans une charrette décorée de fleurs. Tout le monde les acclame. Une journée inoubliable.

Le 14 juin 1945, Florentin est officiellement démobilisé. Décision confirmée le 31 mai 1949. Le dossier médical est mauvais : crises nerveuses présentant tous les caractères de l'épilepsie à la fréquence d'une fois par mois environ, tuberculose pulmonaire. La longue captivité a été très néfaste. Conscient du risque épileptique, il n'a jamais voulu acquérir ou conduire une automobile. Le corps était meurtri, mais l'esprit aussi. La nuit il gardait un fouet à portée de main, pour se défendre au cas où... Conséquence de l'insécurité vécue en captivité.

Florentin s'est ensuite très impliqué dans la vie de sa commune. Il a été adjoint au maire Emile BRETON pendant de nombreuses années. Il a créé, conjointement avec Emile BRETON et Georges COURANT le musée troglodytique de Rochemenier qui est devenu un des grands sites touristiques du département. Il n'a pas gardé de haine envers les Allemands. Quand il venait aider bénévolement au musée il rencontrait souvent des touristes allemands. Lui même n'avait pas appris la langue allemande mais il savait la reconnaître à ses intonations. Nul doute que cela réveillait le souvenir des années passées en Allemagne.

La commune de Louresse-Rochemenier est reconnaissante envers Florentin REVAULT.

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