Histoire du soldat Georges COURANT
Georges COURANT est né le 5 novembre 1909 à Louresse-Rochemenier à la ferme du Pont de Varannes. Son père, Joseph Clément COURANT était un agriculteur de 35 ans. Sa mère, née Louise DUBOIS (dite "Emérance") avait 25 ans. Il y a eu deux autres enfants dans la fratrie : Joseph né en 1905 et Clément né en 1919. Joseph Clément, le père de famille, était dévoué à sa commune : il fut maire de 1929 à 1947.
Il semble que Georges ne soit pas allé à l'école à Louresse-Rochemenier, mais plutôt à Dénezé-sous-Doué qui est géographiquement plus proche de la ferme familiale. Toutefois son plus jeune frère Clément est allé à l'école de Louresse-Rochemenier en 1925. Georges effectue son service militaire du 15 octobre 1930 au 12 octobre 1931 au 1er Bataillon de Dragons Portés.
Georges et Irène MARET se fiancent, et le mariage est prévu pour le 12 septembre 1939. Hélas, la guerre est déclarée le 3 septembre, neuf jours seulement avant le mariage ! Il faut tout annuler ! Georges est mobilisé le lendemain de la déclaration de guerre, puis affecté au 11e Bataillon de Dragons Portés le 21 septembre 1939. Pendant la "drôle de guerre" il bénéficie de deux permissions : en janvier et avril 1940. Il est fait prisonnier le 13 mai 1940 au cours de la bataille d'Orp-le-Petit en Belgique. Il reste prisonnier pendant 5 ans au Stalag VIII C à Sagan. Cette localité est en territoire polonais depuis la fin de la guerre. Georges est libéré le 18 mai 1945 et rentre chez lui le 21 mai.
Les Dragons Portés.
Aujourd'hui (2024) ce nom évoque plus
un dessin animé japonais qu'une unité de l'armée
française. En réalité il s'agissait d'une
brigade mécanisée composée de chars légers,
d'automitrailleuses, et de motocyclistes pour les liaisons. En
mai 1940 cette unité affronte les divisions blindées
allemandes en Belgique dans la région de Hannut, Orp-le-Grand
et Orp-le-Petit. Le 13 mai 1940 les Allemands encerclent une partie
de l'armée française et font 400 prisonniers dont
Georges COURANT. Son épouse Irène m'a dit que Georges
conduisait une moto avec un side-car dans lequel il transportait
des officiers et effectuait des liaisons. Il s'est comporté
avec bravoure, comme le reconnaît une citation de la division
900-C, rédigée le 22 janvier 1942 :
"Agent de transmission motocycliste. A fait preuve sans répit
durant 4 jours et 3 nuits d'un dévouement exemplaire et
d'un total mépris du danger, assurant des liaisons périlleuses
sous les plus violents bombardements et pendant tout le combat
d'Orp-le-Petit le 12 mai 1940".
On peut noter que son père, le sous-lieutenant Joseph COURANT,
pendant la guerre de 1914-18, avait lui aussi eu une citation
(et la Croix de guerre).
Le Stalag VIII C, près de Sagan.
La frontière entre l'Allemagne et la
Pologne ayant été déplacée vers l'ouest
après la guerre, la ville de Sagan qui était en
Allemagne, à l'époque du camp de prisonniers, se
trouve maintenant en territoire polonais à 40 km de la
frontière. A la fin de 1941 le Stalag VIII C, un des plus
importants d'Allemagne, aurait accueilli 50 000 prisonniers de
toutes nationalités, dont beaucoup en transit. Parmi eux
entre 25 000 et 35 000 Français. Certains prisonniers restaient
tout le temps dans le camp mais la plupart étaient répartis
dans la région dans des "Kommandos" de travail,
principalement dans l'agriculture (60%), mais aussi dans l'industrie
(30%). Les horaires de travail dans l'industrie étaient
assez réguliers. En revanche les horaires dans l'agriculture
l'étaient beaucoup moins et changeaient en fonction de
l'urgence des travaux et des récoltes. Les prisonniers
dans l'agriculture étaient généralement mieux
nourris que les prisonniers dans l'industrie. Les employeurs des
prisonniers devaient verser une petite indemnité à
l'administration du Stalag. Ce n'était donc pas une main
d'oeuvre tout à fait gratuite. Les prisonniers qui travaillaient
n'avaient pas de salaire mais recevaient quand même un petit
pécule que l'on pourrait qualifier d'argent de poche.
Comme tous les prisonniers de guerre, Georges COURANT, loin de
sa famille et de sa fiancée, trouve le temps long. Heureusement
les colis envoyés par la famille (nourriture, vêtements
chauds) et le courrier aident à garder un semblant de moral.
D'après Irène, sa fiancée, l'envoi des colis
s'est généralement bien passé, avec peu de
perte. Dès qu'un colis arrivait, les prisonniers partageaient
avec leurs camarades. Le courrier fonctionnait aussi plutôt
bien et on pouvait même recevoir et envoyer des photos de
temps en temps.
En février 1945 la forteresse Allemagne commence à
craquer de partout. Les autorités décident d'évacuer
les prisonniers du Stalag VIII C vers l'Ouest. Les troupes russes
s'approchent. Pas question de transporter les prisonniers dans
des trains ou des camions car ceux-ci sont réservés
à l'armée allemande et aux civils. Il faut donc
marcher, de 15 à 30 km par jour, avec son barda sur le
dos. Le soir on dort où on peut, et on mange et boit ce
que l'on peut, c'est à dire pas grand chose. Le trajet
devient un calvaire. Pour atteindre le cantonnement de Duderstadt
en Basse-Saxe, des prisonniers ont marché 530 km en 28
jours. Mais Georges dit avoir marché 850 km. Cela veut
dire que son "Kommando" de travail se situait loin à
l'Est du Stalag. Il fallait aussi passer par des chemins et petites
routes, donc un trajet plus long, car les grands axes étaient
réservés à l'armée allemande. Sur
les petites routes on pouvait mieux échapper aux mitraillages
des avions alliés qui, du ciel, pouvaient les confondre
avec des colonnes de soldats allemands. Finalement Georges est
libéré par les Américains et rapatrié
le 18 mai 1945.
Une remarquable étude est consultable sur Internet : Les prisonniers de guerre français au Stalag VIII C (1940-1945) par François Blaizot.
Le retour.
Georges est arrivé le 21/05/1945. Son frère Clément et Irène sa fiancée sont allés le chercher à la mairie dAngers dans la traction Citroën des parents COURANT. Une réception était organisée par les gens de Rochemenier, avec vin dhonneur, sous les arbres devant le manoir de Pierre-Basse. Georges et Irène ont été transportés jusquà la ferme du Pont de Varannes (où habitaient les parents de Georges) dans une charrette à cheval mais tirée par les hommes. C'était la fête !
Georges COURANT a pris la suite de l'exploitation agricole de ses parents. Il s'est marié avec Irène le 30/05/1945. Il s'est aussi beaucoup impliqué dans la vie de la commune et est devenu conseiller municipal. Il est un des fondateurs, avec Emile BRETON et Florentin REVAULT, du Musée Troglodytique de Rochemenier.