Histoire du soldat Pierre BINARD

Pierre BINARD est né le 27 Novembre 1911 à Monteneuf dans le Morbihan. Il était le plus jeune d'une fratrie de huit enfants. Son père Joseph Marie BINARD, ouvrier agricole, était né en 1863 à Monteneuf. Sa mère Anne Marie BINARD-ORHAN était née en 1875 à Monteneuf. A sa naissance son père avait donc 48 ans et sa mère 36 ans.

On ne sait pas grand-chose sur l'enfance de Pierre, si ce n'est qu'il a quitté l'école à 9 ans. Son père est décédé, tombé d'un arbre, en 1919 à l'âge de 55 ans. Pierre avait alors 7 ans. Sur sa fiche matricule Pierre est mentionné comme soutien de famille.

Son histoire est représentative des Bretons de 1850 à 1950, période où il y eu une émigration massive vers d'autres régions françaises. Les raisons sont économique (peu d'industries en Bretagne) et démographique (familles nombreuses). De nombreux ouvriers agricoles viennent travailler en Anjou. On en trouve dans presque toutes les communes autour de Doué-la-Fontaine. Les filles ne sont pas en reste. Elles travaillent comme domestiques ou ouvrières. Tous ces jeunes gens sont attirés par les salaires qui sont plus élevés qu'en Bretagne. Cette main-d'oeuvre est appréciée : les Bretons sont "durs au boulot". L'assimilation s'est faite rapidement. Ces jeunes gens se sont mariés sur place, et aujourd'hui il n'y a quasiment plus de lien culturel avec la Bretagne. Dans la fratrie BINARD de 8 enfants, trois (Joseph, Marie-Josephe et Pierre) sont venus s'installer à Rochemenier. Une fille (Anne-Marie) est partie comme domestique à Paris, mais est revenue dans le Morbihan. Les quatre autres enfants n'ont pas quitté le Morbihan. C'est Joseph qui est venu le premier à Rochemenier. Il y est mentionné comme habitant dès 1920. Il s'y marie en 1923 avec une veuve de la guerre de 1914-18. Il y avait donc une possibilité de logement pour Marie-Josephe et Pierre, ce qui a forcément influencé le choix de leur lieu d'émigration. Sur sa fiche matricule, Pierre est mentionné comme habitant de Louresse-Rochemenier dès 1936.

Pierre effectue son service militaire du 22 Octobre 1932 au 27 Mars 1933 au 137e Régiment d'Infanterie de Quimper, puis du 28 Mars 1933 au 5 octobre 1933 au 19e Escadron du Train.
A partir de 1936, Pierre travaille comme ouvrier agricole chez Edmond COIFFARD exploitant agricole à Rochemenier. Le 15 Juillet 1939 il se marie à Louresse-Rochemenier avec Simone MADELAIN (née en 1920).

Le 3 Septembre 1939 la guerre est déclarée. C'est donc à peine deux mois après son mariage que Pierre doit dire au-revoir à sa jeune épouse. C'est dur à vivre, on l'imagine ! Le même jour, il est affecté au 62e Régiment d'Infanterie de Lorient. Il est fait prisonnier le 16 Mai 1940 à Signy-le-Petit dans les Ardennes.

Le Stalag VIII C.

Ce camp de prisonniers situé à Sagan dans l'actuelle Pologne est un lieu de sinistre mémoire pour les Louressois car au moins trois d'entre-eux y sont passés : Georges COURANT, Valentin GILBERT et Pierre BINARD. On ignore s'ils ont pu se rencontrer sur place. Pour comprendre le fonctionnement du Stalag : se reporter au chapitre "Histoire du soldat Georges COURANT". Bien entendu, Pierre devait travailler dans l'agriculture, son métier d'origine.
Pendant la "drôle de guerre", période calme du 3 septembre 1939 au 10 mai 1940, Pierre écrivait tous les jours à Simone, son épouse. Pendant la captivité il écrivait le plus souvent possible, mais le nombre de lettres était limité et le transport du courrier était irrégulier, selon les aléas de la guerre. Simone recevait donc parfois plusieurs lettres d'un coup. Simone a gardé précieusement toutes ces lettres et a voulu qu'à sa mort elles soient mises dans son cercueil. Ses enfants ont respecté cette volonté. Depuis la France le nombre et le format des lettres étaient aussi limités. Mais Simone avait une astuce : elle envoyait aussi des colis de nourriture, dont des noix. Elle ouvrait des noix, les vidait, y mettait un minuscule message et recollait les deux morceaux. Tous les prisonniers l'ont affirmé : les échanges de lettres et les colis les ont aidé à tenir le coup moralement.

La libération.

La libération de Pierre ne s'est pas passée comme pour les autres Louressois du Stalag VIII C. Alors que Georges COURANT, et aussi probablement Valentin GILBERT, ont marché vers l'Ouest, encadrés par des gardiens allemands, pour fuir l'armée russe, Pierre BINARD, en revanche, est resté sur place et a été libéré par les Russes. La raison n'est pas claire. Les Allemands, dans le désordre général, n'ont peut-être pas pu organiser l'évacuation de tous les prisonniers. Les Russes étaient nos alliés dans cette guerre, mais ils étaient méfiants. Ils avaient peur que des soldats allemands se fassent passer pour des prisonniers français pour éviter la captivité en Russie. N'oublions pas que des Français avaient choisi de s'enrôler dans l'armée allemande, dans la division SS Charlemagne par exemple. Les contrôles et vérifications ont duré longtemps. Cela peut expliquer que Pierre ait été le dernier prisonnier à rentrer à Rochemenier, le 2 Août 1945. Son épouse Simone a raconté que Pierre portait des chaussettes russes à son retour.

C'est Emile BONNET (prisonnier évadé) avec sa voiture, accompagné de Simone, qui est allé chercher le prisonnier à la gare de Saumur. Quand ils se sont revus, Pierre et Simone ne pouvaient plus parler, paralysés par l'émotion. Il faut dire que le prisonnier faisait pitié tellement il était maigre et fatigué.

Pierre a repris son métier d'ouvrier agricole. Il a même pris la succession de son patron Edmond COIFFARD, mais hélas Pierre est décédé d'une longue maladie en 1965, à l'âge de 53 ans.

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